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Quel avenir pour les néobanques ?

mars 2021 | Temps de lecture : 6 min

Néobanques, banques en ligne ou encore fintechs : il faut reconnaître que l’analyse du positionnement de ces acteurs des services financiers est de moins en moins aisée. Plusieurs typologies d’acteurs se confrontent dans un même écosystème en déployant des stratégies très différentes. La multiplication du nombre d’acteurs dont la taille reste souvent très modeste nous laisse entrevoir un avenir jalonné de regroupements, fusions, absorptions dans le but naturel de rechercher des synergies. L’avenir des néobanques est indissociable de l’avenir du secteur bancaire dans sa globalité. En effet, toutes les banques sont par ailleurs engagées dans une transformation sans précédent qui est accélérée par la crise sanitaire. 

Avenir Néobanques Banque en ligne Fintechs

Un écosystème bancaire qui s’est enrichi depuis une dizaine d’années

 

Nés il y a près de 20 ans, ce n’est que depuis une dizaine d’années et en partie grâce à la réglementation DSP2 (Directive européenne sur les Services de Paiement 2ème version) que de nouveaux acteurs bancaires ont atteint une taille qui interpelle toutes les entreprises du secteur. Ils se dénomment banques en ligne, néobanques ou encore fintechs et ont en commun d’avoir innové notamment grâce à la transformation numérique. Leurs modèles économiques sont pourtant sensiblement différents :

Banques en ligne
Banques en ligne

Les banques en ligne, sont pour plusieurs d’entre-elles comme Fortuneo, BforBank, ou Boursorama, nées de plateformes de trading pour particuliers. Liées à des groupes bancaires financièrement et par l’utilisation du SI, elles sont devenues il y a une dizaine d’années des banques en proposant à leurs clients un compte courant et des moyens de paiement. Elles se caractérisent par un service 100% à distance (digital et en ligne). Depuis 10 ans, elles ont progressivement complété leur gamme avec tous les produits bancaires courants (les produits d’épargne, le crédit consommation et immobilier, les assurances…). Elles offrent un service en grande partie gratuit (compte, carte) pour des clients qui doivent remplir certaines conditions (revenu, patrimoine, domiciliation de revenus…).

Les néobanques
Néobanques

Destinées à l’origine à une clientèle très mobile ayant besoin de solutions adaptées à la mobilité et des frais de change optimisés, les néobanques comme Revolut ou N26, séduisent aujourd’hui une clientèle qui n’a pas encore de besoins sur l’ensemble de la gamme. Elles permettent l’ouverture d’un compte via un smartphone, n’imposent pas de conditions restrictives de souscription et proposent une tarification des services très attractive. Elles ont un service client limité avec, par exemple, uniquement un accès par chat. Leur gamme de produit est réduite même si elle tend à se développer (ex. N26 qui propose du crédit consommation). De nouvelles néobanques voient régulièrement le jour : Blank en 2020 pour les professionnels, Xaalys en 2019 pour les adolescents.

Fintechs
Fintechs

Souvent plus innovantes que les précédentes, les fintechs ont développé un service autour d’une offre très ciblée et rarement disponible dans les banques (ex. Crédit entre particuliers pour Younited Credit, partage des dépenses chez Tricount, gestion des notes de frais chez Mooncard …). Il existe des fintechs à destination des particuliers mais aussi des professionnels (ex. Firmfunding ou October). Beaucoup ont développé des stratégies affinitaires en ciblant des segments de clientèle très spécifiques (ex. Yelloan qui cible une clientèle qui n’a pas accès au crédit dans les banques). Rarement rentables, elles se financent par levées de fonds et ont intégré pour certaines d’entre-elles des groupes bancaires (ex. Linxo pour le Crédit Agricole, Pingit pour Barclays).

Au-delà de ces exemples, on trouve également des modèles hybrides comme Nickel. Nickel dispose d’un réseau de plus de 6 000 buralistes, son offre est très limitée (un compte, un RIB, une carte) et s’adresse à un segment de marché spécifique (les interdits bancaires, les personnes ayant des difficultés financières et les personnes qui ne veulent pas faire appel à une banque).

La croissance de ces acteurs montre la dynamique du secteur et sa capacité d’innovation. Elle contribue certainement aussi à la transformation des banques traditionnelles.

 

Une concurrence limitée par des enjeux très différents pour chaque typologie d’acteurs

 

Certes, la concurrence s’est accrue. Une partie des clients des réseaux bancaires traditionnels s’est orientée vers des banques en ligne. D’après nos estimations, plus de 10 millions de comptes ont déjà été ouverts dans les banques en ligne et les néobanques. La publication régulière des statistiques d’ouvertures de comptes le montre clairement. L’attrition, en revanche, n’est pas si forte dans les banques dites traditionnelles. L’attrition brute est estimée, selon les segments de clientèle, entre 5 et 7% qui sont en partie amortis par la conquête de nouveaux clients. Le développement des nouveaux acteurs s’explique donc davantage par une multi-bancarisation croissante des particuliers. Qu’ils soient jeunes ou moins jeunes, ils n’hésitent plus à avoir une banque pour chacun de leurs besoins (banque au quotidien, épargne, crédit…) et choisissent celles qui leur correspondent le mieux.

 

La concurrence ne devrait pas non plus s’accentuer du fait des enjeux très différents auxquels font face les banques :

 

  • Les banques « traditionnelles » cultivent leur proximité client à travers leurs réseaux, l’écoute clients, l’ancrage local… pour fidéliser leur clientèle : développement de leur offre digitale, fluidité des parcours client, personnalisation de la communication et des actions de proactivité….
  • Les banques en ligne ont lancé une stratégie de conquête fortement basée sur des offres de bienvenue attractives (80 à 160€). Elles cherchent à domicilier leurs clients et à les multi-équiper pour atteindre la rentabilité. Elles développent leurs offres grâce au financement des groupes auxquels elles sont adossées. Certaines sont rentables grâce à un équilibrage fin entre la conquête d’une clientèle sélectionnée, le développement d’une qualité de prestation qui compense l’absence de réseau d’agences et la maîtrise des coûts.
  • Les néobanques cherchent avant tout la visibilité et la confiance de leurs clients. Elles se développent en mode agile. Leur objectif principal est d’atteindre la taille critique et de devenir rentable. Leur positionnement et leur offre les orientent vers un développement international permettant d’atteindre une base de clientèle suffisamment large.
  • Enfin, les fintechs ont pour enjeu principal leur pérennité. Elles doivent conforter la différenciation et la visibilité de leur offre pour avoir un socle de clientèle et trouver les fonds indispensables à leur survie.

 

Quel modèle pour la banque de demain ?

 

La tendance est au développement de la banque à distance à travers tous les canaux. La crise sanitaire est un accélérateur de cette tendance. Tous les acteurs s’adaptent à leur manière :

  • Les banques traditionnelles créent des agences directes (destinées aux clients 100% à distance), renforcent les compétences à distance de leurs conseillers, offrent de plus en plus de services digitaux.
  • Les banques en ligne sont engagées dans une conquête effrénée et améliorent sans cesse l’expérience client pour attirer et multi-équiper leur clientèle. Pour renforcer la proximité avec ces clients, ING Direct avait expérimenté les « ING Cafés » mais ce projet a été abandonné en 2017. Boursorama avait également quelques agences jusqu’en 2013. Aujourd’hui aucune banque en ligne n’a d’agence. C’est à distance qu’elles cherchent à créer la proximité à travers la personnalisation de la relation client.
  • Les néobanques s’adressent aux besoins spécifiques de leurs clients et s’adaptent à leurs comportements. Leur difficulté à atteindre la rentabilité pourraient en faire de bons apporteurs de valeur pour des banques traditionnelles, des banques en ligne ou les “Bigtechs” (GAFA).
  • Les Fintechs apportent chacune une pièce du puzzle de la banque de demain. A date, elles ne constituent pas un modèle à part entière. La plupart d’entre-elles cherchent à intégrer un groupe bancaire pour y pérenniser leur activité, soit en relative autonomie, soit en intégrant l’offre du groupe en question.

 

Quel serait le modèle à terme ? N’y en aura-t-il qu’un ? Peut-on envisager un retour à la banque universelle avec des services en ligne très développés et du conseil pointu en agence sur des sujets spécifiques (ex. crédit immo, gestion de patrimoine…) ? Pourquoi ne pas imaginer un conseil payant à l’occasion de rendez-vous avec des spécialistes tel que le tente BNP Paribas ? Jusqu’où les GAFA sont-elles prêtes à développer leur offre de moyens de paiement et de crédit ? Quelle est la place des monnaies virtuelles dans cet écosystème ?

 

Les réponses sont entre les mains des acteurs bancaires et plus encore entre les mains des clients* :

 

Volonté clients Banque

 

A l’heure actuelle, le secteur n’est pas mature pour trouver un nouvel équilibre. Les banques traditionnelles ou les banques en ligne intègreront très certainement des néobanques ou fintechs. En parallèle, de nouveaux acteurs naîtront tant que des besoins spécifiques apparaîtront. Nous estimons que les nouveaux modèles n’émergeront qu’à moyen ou long terme.

 

Même si le modèle de la banque de demain n’est pas connu à date, l’enjeu de tous les acteurs est d’apporter de la valeur au client. Cette valeur s’appuie sur quelques leviers forts tels que :

Leviers d'ajout de valeur client
*Résultats de l’étude « Attentes des consommateurs de services bancaires, d’assurance et de conseil financier » réalisée par Accenture Strategy en 2019.