De la gestion de projet au management de projet, quels impacts pour le chef de projet ?

De la gestion au management de projet

L'histoire de la gestion de projet est marquée par une transformation profonde, passant de l'ère de l'industrialisation à l'ère du management de projet moderne. Au début du XXe siècle, ils étaient souvent gérés sur la base de l’expérience personnelle des chefs de projet et des travailleurs sur le terrain, ce qui pouvait entraîner des résultats variables et imprévisibles.   

Toutefois, avec le temps, les entreprises ont commencé à reconnaître l'importance cruciale de la gestion de projet dans le succès global de leurs opérations.   

C’est ainsi que l'industrialisation de leur gestion a été caractérisée par une standardisation accrue. Les processus étaient définis de manière rigoureuse, et les projets étaient gérés en suivant des modèles préétablis. L'objectif principal était d'assurer la conformité aux normes et aux procédures, garantissant ainsi une certaine qualité et prédictibilité dans l'exécution de ceux-ci. Cette approche a été particulièrement efficace pour les projets industriels massifs.  

Ces épopées techniques ont donc vu naître de puissants outils et méthodes. Les outils tels que le diagramme de Gantt sont devenus populaires, offrant une visualisation du déroulement du projet.

Les méthodologies telles que la méthode du chemin critique (CPM) et la méthode de la valeur acquise (EVM) ont été introduites pour mieux les planifier, les suivre et les contrôler.

Frise chronologique de la gestion de projet

Les habitudes de travail et les aspirations des collaborateurs et des entreprises évoluant, une nouvelle approche s'est imposée : le management de projet. Bien que les notions de « gestion » et de « management » soient très proches, une nuance les distingue. En effet, le terme « gestion » est employé pour désigner un ensemble de méthodes et d’outils pour atteindre un objectif en répondant aux attentes de qualité, de délai et de coût ; tandis que le management de projet comprend une dimension humaine accrue pour diriger et motiver ses équipes.   

Cette approche a rompu avec la rigidité de l'industrialisation pour embrasser la collaboration, la communication et l'implication des parties prenantes tout au long du processus favorisant l’apparition de nouveaux enjeux et problématiques pour le chef de projet. 

Les éléments auxquels le chef de projet fait face pour manager son équipe

Avec ces évolutions, les projets sont confrontés à des nouvelles problématiques :   

🔹 La quête de sens & la transparence 

Selon le récent sondage OpinionWay pour l’Anact, 4 actifs sur 10 envisagent de quitter leur emploi actuel au cours des 2 prochaines années pour un emploi qui aurait plus de sens (échantillon sur plusieurs centaines de salariés, 2022).   

La quête de sens en entreprise est devenue bien plus qu'une simple aspiration personnelle, elle est devenue un impératif pour les organisations. Les employés ne cherchent plus seulement un emploi, mais également un sentiment d'accomplissement.  Ceci est également vrai pour les projets, dans lesquels les membres de l’équipe ont besoin d’être convaincus de leur importance et de leur valeur ajoutée pour s’investir pleinement.    

Au même titre que la quête de sens, la transparence souhaitée par les collaborateurs au sein de l’entreprise se retrouve également dans le mode projet.  Les membres de l’équipe souhaitent être autant informés que leur top management pour comprendre les enjeux et objectifs des projets ainsi que leurs adhérences avec la stratégie globale de l’entreprise.  

🔹 La gestion du télétravail 

Depuis le Covid, de nouvelles habitudes et méthodes de travail sont nées, avec l’utilisation accrue du travail à distance, qui ont eu de forts impacts sur la communication et le suivi des activités au sein des projets.  

Avec des membres d’équipe plus nécessairement sur le même lieu de travail au quotidien, les échanges au sein de l’équipe s’en sont trouvés affectés avec une diminution des échanges informels. Ceux-ci, au-delà de favoriser la circulation des informations au sein des projets, favorisaient une bonne ambiance de travail, renforçaient le sentiment de cohésion et désamorçaient les tensions.   

La position du chef de projet a également été affectée, avec une impression de perte de contrôle sur l’avancement des activités, des difficultés à identifier des risques et des problématiques pour maintenir une cohésion d’équipe.  

🔹 La nécessité de la résilience et la décentralisation des décisions 

Les organisations, dans leurs quêtes de flexibilité et d'adaptabilité se doivent d’être de plus en plus résilientes. Dans le paysage du pilotage de projet, la nécessité de résilience est étroitement liée à la décentralisation des décisions. Celle-ci permet aux équipes projet une plus grande autonomie pour réagir aux changements survenant en cours de route. Dans le même temps, cette autonomie accrue pour la prise de décision nécessite une plus grande responsabilisation des équipes et du responsable du projet car ils doivent être prêt à prendre des décisions rapides et adaptées à chaque circonstance. Il est à noter que la résilience doit également englober la capacité de l’équipe à anticiper les risques, à surmonter les obstacles et à transformer les échecs en opportunités d’apprentissage. 

Le rôle du chef de projet pour répondre aux nécessités du management de projet 

🔹 Le choix du chef de projet 

Sur la base de l’ensemble de ces constats, le chef de projet a un rôle majeur à jouer dans le management des équipes et parties prenantes impliquées. 

C’est pourquoi à l’initialisation du projet, il est primordial d’identifier et de sélectionner un manager de projet répondant pleinement aux exigences de la fonction. Au-delà de ses connaissances du contexte, de la maîtrise des différentes méthodologies de gestion de projet, il est attendu de la personne en charge du management de l’équipe d’excellentes capacités de communication, d’écoute, d’adaptabilité, un esprit synthétique et une certaine dose de leadership.   

🔹 Créer et maintenir la légitimité du chef de projet 

Une fois le projet lancé et son responsable identifié, celui-ci devra pour assurer le bon management des équipes définir un cadre de travail propice à la collaboration et se créer la légitimité qu’incombe sa fonction. Cette légitimité n'étant pas forcément apportée par la position hiérarchique du chef de projet, la création de celle-ci repose sur plusieurs fondements clés :  

• Avoir une compréhension claire des objectifs du projet, de sa contribution au développement de l’entreprise et être capable de le communiquer à l’équipe participe à gagner la confiance de celle-ci en renforçant son niveau d’information. Pour se faire le chef de projet pourra notamment institutionnaliser la redescente d’information auprès de son équipe. 

• Créer et cultiver des relations de confiance via une communication ouverte et transparente, une écoute active des préoccupations et idées de chacun, une prise en compte des retours d’information, une reconnaissance devant le groupe des contributions importantes, une célébration des réalisations, une implication de l’équipe dans la prise de décision. Cet ensemble d’élément, insufflé par le chef de projet, permet d’établir un climat de confiance et de collaboration et renforce sa légitimité. Les revues de projets sont le moment propice pour féliciter l’équipe à la hauteur de son engament. 

• Être en capacité d’inspirer et de motiver les membres de l’équipe est déterminant pour maintenir la cohésion et l’efficacité de l’équipe. Un manager de projet efficace doit donc posséder des compétences interpersonnelles solides et être doté d’une intelligence émotionnelle développée qui lui permettront de favoriser un climat de confiance et de respect au sein de l’équipe. 

🔹 Mettre en place des éléments facilitateurs 

Malgré la mise en place d’un environnement propice à la collaboration et à la réussite, il est inévitable qu’au cours du projet, l’équipe rencontre des difficultés notamment liées aux relations interpersonnelles et au désengagement des membres de l’équipes. Le rôle du chef de projet est de les accompagner pour traverser ces turbulences et pour ça, il dispose de plusieurs leviers :  

• Mettre en place un discours mobilisateur et une attitude de leadership pour entretenir la mobilisation collective permet de galvaniser les membres de l’équipe pour qu’ils se sentent tous individuellement concernés par la réussite du projet. La maitrise du management situationnel doit donc être une compétence du responsable du projet. 

• Assumer la responsabilité du rôle tampon du chef de projet entre la direction et le client permet de garantir le meilleur contexte de travail possible à l’équipe en évitant de relayer un niveau de pression ou de stress trop élevé, pouvant induire une démobilisation.  

• Identifier les conflits interpersonnels dès leurs apparitions, encourager une communication ouverte et active entre les parties concernées et se positionner comme médiateur neutre pour faciliter la résolution de ce type de problématique.  

• Mettre en place des rituels, des outils et des espaces permettant de renforcer la communication formelle. 

CONCLUSION 

La gestion de projet a au fil des décennies laissé progressivement place au management de projet, comprenant une gestion de l’humain accrue. Ce changement de paradigme est un appel à l’évolution du rôle de chef projet et reflète l’évolution des attentes et des besoins des organisations mettant l’accent sur l’innovation et la gestion agile des ressources.   

Il n'est plus simplement un organisateur, mais un leader stratégique, doté d’importantes compétences interpersonnelles, capable de comprendre les nuances complexes de l'entreprise et de guider l'équipe vers l'accomplissement des objectifs à long terme.  

Cependant, avec les innovations technologiques et managériales, quelle sera la place du chef de projet demain ? Si les technologies pourront à terme remplacer les tâches de gestion classique, il est à penser qu’elles ne pourront pas entièrement substituer à l’homme son rôle de manager de projet. Elles pourront en revanche laisser le temps à ce dernier de se consacrer plus amplement au management des ressources humaines.