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8 questions sur la transformation numérique au Directeur du Programme Décisionnel MAIF

décembre 2015 | Temps de lecture : 6 min

Dans la continuité de notre article sur l’enjeu du Big Data pour les banques, Thierry Champéroux, Directeur du Programme Décisionnel MAIF nous éclaire sur la transformation du numérique dans le secteur de l’assurance. Comment se prépare le SI, les métiers et l’organisation de l’entreprise dans son ensemble ? Au centre de la stratégie de la mutuelle niortaise : la confiance en interne comme en externe.

La transformation numérique à la MAIF

Exeis Conseil : Tout d’abord, Thierry Champéroux, pouvez-vous nous expliquer votre rôle et vos missions au sein de la MAIF ?

 

Thierry Champéroux : La moitié de mon temps est consacrée au Programme Décisionnel dont je suis responsable et qui héberge également les expérimentations autour du Big Data.

 

L’autre partie de mon temps est consacrée à coordonner les trajectoires de transformation du Système d’Information de la MAIF, autrement dit de coordonner les travaux de chaque direction de programme autour de l’élaboration d’une trajectoire pluriannuelle cohérente et convergente pour préparer les arbitrages des projets par le Comité Exécutif de la MAIF.

 

Thierry Champéroux, directeur de la transformation numérique

 

 

Exeis Conseil : Quels sont les principaux enjeux de la transformation numérique pour les assureurs ?

 

Thierry Champéroux : Le sujet est assez vaste. Je vais retenir 3 idées, 3 points d’inflexion qui sont majeurs pour le monde de l’assurance et de la MAIF en particulier. 

 

- Tout d’abord l’inflexion autour de la relation des sociétaires vis-à-vis de l’assurance 

Nous passons progressivement de l’assurance de la propriété à l’assurance de service basé sur  l’usage. Cette transformation est permise par les objets connectés permettant de capter les données d’usage et construire de nouveaux types de services, et potentiellement de nouveaux modèles de tarification.

 

- La façon dont les sociétaires interagissent avec la MAIF

Tous les nouveaux médias, les réseaux sociaux et les nouveaux périphériques (tablettes, smartphones…) nous invitent à travailler autrement et à créer une expérience client davantage individualisée avec la MAIF. C’est un changement important du point de vue du système d’information mais également dans notre façon d’interagir avec nos sociétaires et dans la conception même des offres : par exemple on ne souscrit pas de la même manière quand on est en rendez-vous en face à face que sur un smartphone.

 

- Et l’exigence de réactivité

Cela rejoint la problématique du Big Data car l’enjeu de réactivité et d’immédiateté est de plus en plus important, accompagné d’un enjeu de personnalisation.

 

 

E.C. : La digitalisation est souvent associée à un environnement de l'immédiateté, du zapping, de la comparaison et de la consommation de masse. Est-ce plus difficile pour les mutuelles, et a fortiori pour la MAIF, de trouver sa place sur les nouveaux médias comme les réseaux sociaux ?

 

T.C. : Non, je ne crois pas. Au contraire, à la MAIF nous avons plutôt tendance à penser que c’est une opportunité très intéressante pour demain que de tirer parti de cette vague autour de l’économie collaborative et du partage. Ce sont des opportunités au cœur de notre ADN et de notre stratégie qui est basée sur la confiance

 

Cela rejoint la problématique du Big Data car l’enjeu de réactivité et d’immédiateté est de plus en plus important, accompagné d’un enjeu de personnalisation.

 

MAIF Social Club
Illustration du positionnement collaboratif de la MAIF, avec le MAIF Social Club qui fête son 1er anniversaire.

 

Nous y voyons plutôt des opportunités que des risques, même si c’est vrai que derrière cette transformation numérique, on voit bien qu’il y a des acteurs de plus en plus nombreux qui se positionnent dans une logique d’intermédiation entre le sociétaire et l’assureur.

E.C. : Quel est le poids du numérique dans la stratégie, les arbitrages et les projets MAIF ? L'organisation et la gouvernance ont-elles évolué pour prendre en compte cette nouvelle donne ? Comment la MAIF s’organise-t-elle pour rester innovante dans ce domaine ?

 

T.C. : C’est un sujet majeur, au cœur de notre stratégie. Et là encore, on ne parle pas ici que du système d’information mais bien de notre métier d’assureur. On souhaite être l’un des acteurs leaders sur le champ de l’économie collaborative. Les récentes prises de participation dans des start-ups affirment notre volonté de développer et diversifier  une offre, des services autour de cette économie collaborative et du partage en complémentarité de notre cœur de métier. 

 

NUMA : le grand lieu de l'innovation et du numérique à Paris

 

 

Cela se traduit en termes d’organisation chez nous par des évolutions sensibles et qui vont se poursuivre dans les prochains mois et les prochaines années. Nous avons mis en place une coordination transversale à toute l’entreprise autour des thématiques : 

 

  • de l’innovation,
  • du digital et
  • de l’économie collaborative

 

Cette coordination vise à « transversaliser » la prise en compte de ces différents sujets dans les différentes directions traditionnelles de la MAIF. C’est un sujet compliqué. C’est quasiment un sujet culturel en terme d’évolution à gérer, donc c’est quelque chose qui va se faire dans la durée.

 

En termes d’évolution du SI c’est aussi une inflexion majeure. Nous avons construit un schéma directeur du SI au cours de l’année 2015 nommé « Digital Ready » car on considère que ce sont les enjeux majeurs que l’on doit traiter pour se préparer à ces évolutions qui sont très importantes en termes :

 

  • de SI,
  • d’architecture,
  • de compétences et
  • d’organisation

 

 

E.C. : Nous constatons que les dirigeants de la MAIF communiquent de plus en plus sur Twitter. Est-ce le signe d’une véritable révolution culturelle à la MAIF ?

 

T.C. : Je ne sais pas si c’est une révolution interne, mais en tout cas c’est important de prendre la parole sur les réseaux sociaux en matière d’image. Par ailleurs c’est aussi un des meilleurs media pour toucher les nouvelles générations. C’est sans doute la raison pour laquelle notre Président-Directeur Général (@Dominique_Mahe) et notre Directeur Général (@PascalDemurger) prennent la parole sur ces nouveaux médias. 

 

 

Dominique Mahe, Directeur Général de la MAIF prend la parole sur Twitter

 

 

Ce n’est pas le seul endroit où la MAIF essaye de s’exprimer, mais c’est peut-être le plus emblématique aujourd’hui. On essaye d’investir progressivement d’autres champs autour des réseaux sociaux pour nourrir la relation avec les sociétaires différemment demain.

 

 

E.C. : La MAIF s'est-elle engagée vers de nouveaux modes de travail, de collaboration, de formation ou d'accompagnement basés sur le digital ?

 

T.C. : Là aussi ce sont des sujets au long cours, mais on travaille à la mise en place d’un Réseau Social d’Entreprise avec le choix de Yammer, Office 365 Online comme 1ère déclinaison auprès des acteurs du Siège et du Réseau.

 

Dans un 2ème temps, notre volonté est d’aller au-delà, de créer des espaces de collaboration, avec nos sociétaires. L’idée c’est de pouvoir développer des fonctions collaboratives,  la visio-conférence… et finalement rapprocher les personnes et faire en sorte qu’ils travaillent mieux demain quelle que soit leur entité géographique.

 

Par ailleurs, sur le plan RH il y a des initiatives mises en place avec notamment la « Digital Academy » qui constitue un plan ambitieux de formation, pour accompagner tous les collaborateurs dans l’appropriation de ces nouvelles technologies et ces nouvelles compétences autour du numérique.

 

 

E.C. : Quelles sont les opportunités offertes par le Big Data pour un assureur comme la MAIF ?

 

T.C. : Les grands enjeux du Big Data sont assez vastes. Le plus novateur est sans doute celui d’être en capacité de collecter, organiser et exploiter les « données d’usage » issues des objets connectés. Cela veut dire être capable de capter la donnée d’usage pour proposer des offres ou des services individualisés à l’usage. Aujourd’hui  « je suis propriétaire d’une voiture, je paye une cotisation à l’année », et demain peut-être « j’empreinte une voiture puis une autre  … et je paye 100 km d’assurance ! »

 

D’une manière plus générale le Big Data est un moyen d’exploiter de nouveaux pans de données que l’on ne pouvait pas exploiter jusqu’à présent, en particulier les données « chaudes  (réseaux sociaux,   flux téléphoniques, flux d’e-mails, SMS…). Ici l’enjeu n’est pas tant le « big » autrement dit le volume que la réactivité à traiter ce type de flux.

 

Ces données recèlent un gisement de valeur essentielle sur la situation et le comportement de nos sociétaires à un instant T qu’il nous faut demain savoir exploiter dans l’heure, dans la journée.

 

Autrement dit, là où nous exploitons aujourd’hui la donnée pour faire des analyses statistiques au mois, pour construire des modèles de ciblage pour des campagnes que l’on va dérouler dans 1 mois, dans 2 mois, nous devons être capables demain de cibler/qualifier des actions de relance/recontact vers nos sociétaires « au fil de l’eau ». [N.D.L.R. : quasi en temps réel]

 

C’est parce que le sociétaire a appelé 3 fois ce matin et que l’on n’a pas su prendre son appel faute de disponibilité qu’il est peut-être important de le rappeler dès cet après-midi parce que je détecte qu’il a un sinistre en cours et qu’il est important de le recontacter au plus tôt. C’est cette réactivité sur des motifs qualifiés qui est importante.

 

Evidemment, il y a un sujet "Big Brother" autour de tout ça. La question, c’est de voir comment on va être capable de nourrir une relation de confiance avec notre sociétaire et lui offrir de meilleurs services sans être intrusif sur sa vie privée. Ce sera un équilibre à trouver, qui questionne beaucoup tous les acteurs et en particulier la MAIF qui a sur cette thématique une vigilance toute particulière à conserver et qui constitue aujourd’hui une sensibilité importante dans nos réflexions stratégiques.

 

 

E.C. : Selon vous, quelle est la clé de la réussite pour mettre en œuvre le Big Data dans une entreprise comme la MAIF ? Est-ce l’interaction avec le SI traditionnel ? Est-ce l’appropriation par les métiers ? …

 

T.C. : Ces deux aspects sont importants.

 

D’abord c’est la confiance que nous saurons entretenir avec nos sociétaires qui sera décisive.

 

Sur le plan du SI, pour expliquer un peu le challenge qui est devant nous : nous avons travaillé d’arrache-pied depuis 3 ans pour construire un SI décisionnel capable de fournir des tableaux de bord au quotidien à l’ensemble du réseau.

 

Désormais nous devons être capables de fournir des données quasiment en temps réel, au fil de l’eau en croisant les données des nouveaux canaux digitaux toujours plus nombreux.

 

On voit bien l’accélération en matière de SI. C’est un sacré challenge quant à la capacité de calcul, d’exigences sur l’architecture et sur l’exploitation des solutions que l’on met en place.

 

 

Auteur : Alumni EXEIS Conseil