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Comment et pourquoi le système financier s’oriente progressivement vers une économie durable ?

avril 2023 | Temps de lecture : 3 min

La notion de développement durable est apparue pour la première fois, en 1987, dans le rapport Brundtland à l’occasion de la Commission Mondiale sur l’Environnement et le Développement, pour le compte des Nations Unies. Il est défini comme « un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Depuis, de nombreuses lois, mesures, chartes ont permis et permettent la mise en place d’un cadre témoignant d’une volonté politique, à l’échelle internationale, d’évolution vers une économie durable.


Cette volonté politique se décline pour chaque secteur d’activité, adoptant son ensemble de normes et d’objectifs durables, y compris le secteur financier. 

Finance durable | EXEIS Conseil

La finance durable : orienter les flux de capitaux vers des entreprises répondant à des critères extra-financiers


L’article 2 de l’Accord de Paris, approuvé en 2016, témoigne de cette volonté politique. Il a pour objet de renforcer « la riposte mondiale à la menace des changements climatiques en rendant les flux financiers compatibles avec un profil d’évolution vers un développement à faible émission de gaz à effet de serre et résilient aux changements climatiques ». 


Le « Plan d’action : financer la croissance durable » de 2018 de l’Union européenne reprend cet objectif : réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en vue de parvenir à une croissance durable et inclusive.


Le système financier, banques et investisseurs, doit donc progressivement s’adapter pour répondre à ces ambitions. La « finance durable » suppose d’intégrer une dimension extra-financière dans l’allocation des capitaux et donc de disposer des bonnes mesures et informations pour y parvenir.


Les acteurs du système financier sont les moteurs de la transition vers une économie plus durable


La stratégie de l’Union Européenne en matière de finance durable a été précisée par la communication de la Commission Européenne de juillet 2021. Elle identifie quatre grands axes dans lesquels des actions sont nécessaires pour que le système financier soutienne pleinement la transition de l’économie vers la durabilité :

 

  • Le financement de la transition vers la durabilité : la mise en place d’outils et de politiques pour le financement des plans de transition ;
  • L’inclusion : la prise en compte des besoins de particuliers et des PME et l’opportunité d’accès aux opportunités offertes par la finance durable ;
  • La contribution  et la résilience du secteur financier : la contribution du secteur à la réalisation des objectifs du pacte vert européen ;
  • L’ambition  mondiale : la recherche d’un consensus international sur un programme en matière de finance durable.

 

Cette dynamique européenne fait des acteurs du système financier, banque et investisseur, de multiples centres de décision et d’action au service de cette stratégie.


Plusieurs approches sont possibles : stratégies de sélection (meilleure entreprise de son secteur ou la mieux notée), stratégies d’exclusion (sectorielle ou normative), investissement thématique, engagement actionnarial, investissement à impact, intégration des critères ESG.


Les banques favorisent le financement d’une économie durable


Pour les banques, il s’agit d’intégrer la dimension extra-financière dans la décision de prêt


C’est une nouvelle vision des entreprises financées qui s’impose avec : 

 

  • Un nouveau système comptable : ce cadre d’analyse, commun et sectoriel, n’est pas encore abouti. Il devra permettre une lecture et une comparaison des informations extra-financières des différents acteurs économiques.
  • Une autre appréciation de la valeur : pour la dimension environnementale, la performance carbone d’un acteur économique, actuelle et à venir, sera clé. Cette analyse se traduira dans le coût du prêt / capital.
  • De nouveaux standards d’analyse : les normes de reporting extra-financier vont fixer ces standards (Taxonomie, SFDR, CSRD, article 29 LEC,…).


L‘essor des offres de financement à impact pour financer l’économie


Les offres de financement à impact, vert, pour la transition environnementale, RSE, parmi tant d’autres se développent de plus en plus. Les premières offres se positionnaient sur des montants supérieurs à 1 million d’euros. Désormais, les tickets d’entrée sont proposés avec des montants inférieurs, permettant de financer et d’accompagner une cible plus large d’entreprises, favorisant ainsi l’inclusion. La mise en place de ces prêts supposent une évaluation extra-financière qui peut prendre plusieurs formes comme : 

 

  • Un audit de la démarche RSE de l’entreprise par un tiers (notamment par des sociétés externes, des organismes publics ou privés spécialisés) ;
  • Un score déterminé avec plusieurs critères couvrant les dimensions ESG et pouvant prendre en compte des normes internationales comme par exemple le Pacte Mondiale pour l’ONU, les conventions de l’OIT ou encore la norme ISO 26 000… ;
  • Des objectifs à atteindre à partir d’une grille d’analyse spécifique et d’indicateurs comme, par exemple, le nombre de femmes dans les instances dirigeantes, l'accidentologie, le taux de turnover, la réduction de la consommation énergétique finale.

 

Il s’agit donc avant l’octroi du financement, et par la suite de manière récurrente, de :

 

  • Déterminer les indicateurs pertinents pour l’entreprise et le financeur ;
  • Vérifier la qualité de la mesure de ces indicateurs, de la piste d’audit ;
  • Établir les objectifs de transformation et de transition ;
  • Suivre ces transformations.

 

En cas d’atteinte ou de dépassement des objectifs, les entreprises peuvent obtenir une bonification de taux. Ainsi, les banques ont un rôle d’accompagnement et d’incitation par l’engagement avec les entreprises financées. Le suivi de leurs transformations permettra la mise en place d’un dialogue constant et englobant à la fois la dimension financière, et extra-financière.

 

L’intégration de la dimension extra-financière dans la notation Banque de France, référence pour obtenir des financements 

 

La notation Banque de France est une référence commune et reconnue par les établissements de crédit pour leur qualification des risques et donc l’octroi des financements. En effet, la Banque de France a l’ambition d’intégrer la dimension environnementale dans cette notation.


La Banque de France a annoncé que cette notation, dès 2024, devrait comporter des « indicateurs climat » qui s’ajouteront aux critères financiers et économiques actuels (l’activité et l’endettement). Cela permettra de donner une appréciation globale sur la capacité d’une entreprise à honorer ses engagements.


Ainsi, les entreprises qui auront une mauvaise cotation auront des difficultés à trouver des prêteurs qui eux feront de l’ESG et du respect des labels des arguments commerciaux


Les investisseurs, acteurs de plus en plus attentifs qui attendent de la transparence extra-financière  


Pour les investisseurs, il s’agit d’intégrer la dimension ESG dans la décision d’investissement. Les conseillers financiers sont tenus par la réglementation de prendre en compte les objectifs, les situations financières et désormais les préférences en matière de durabilité des clients, avant de leur recommander un investissement. 


Cela suppose de disposer d’une offre de produits financiers qui répond à ces préférences. Proposer un produit financier qui répond à des préférences de durabilité signifie avoir assorti à ce produit une ou plusieurs caractéristiques extra-financières encadrées par la réglementation (SFDR - Sustainable Finance Disclosure Regulation, Taxonomie,…).  


Les investisseurs peuvent également choisir leur cible sans recourir à un tel conseil. S’offrent alors à eux un éventail de produits :

 

  • Investissement Socialement Responsable (ISR), encadré par la détention d’un label français ;
  • ESG ;
  • Durable (soutenable, sustainable) ;
  • Responsable ;
  • Ethique.


Les notions à consonance « durable » ne seront plus suffisantes pour convaincre des investisseurs. Elles devront être assorties d’indicateurs, dûment sélectionnés, qui permettront une lecture objective et appropriée par rapport à leurs attentes. La promesse de durabilité n’est pas un mandat d’investissement


La Finance Durable est plus qu’un concept, elle se teinte de réalité. Le mot d’ordre des différentes autorités et acteurs de Place est de s’y mettre. Malgré le constat des imperfections et des limites, il ne s’agit plus uniquement d’un éveil ou d’une sensibilisation des consciences mais d’un réel défi opérationnel à relever.  

 

Les 3 choses à retenir : 

 

  • Le secteur financier joue un rôle important dans le financement de l’économie
  • Les différents acteurs financiers peuvent activement participer à une meilleure orientation des capitaux disponibles vers le financement de projets / entreprises ayant un impact positif pour la société à moyen et long terme.
  • Le cadre normatif et réglementaire, française et européen, soutient et accélère cette transition vers la finance durable.
À propos des auteurs
Tiphaine DURIEZ - Directrice We EXEIS
Tiphaine DURIEZ Directrice
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Tiphaine a plus de 15 ans d’expérience dans les services financiers. Elle a travaillé auprès de banques françaises internationales en project finance et financements structurés avant de devenir consultant. Elle intervient auprès des acteurs des services financiers (banque, asset manager et assurance) principalement sur des projets des fonctions Risques, Finance, Distribution, Conformité, SI et Audit Interne.