RSE : Tour d’horizon sur le cadre légal de la Responsabilité Sociétale des Entreprises
La Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) consiste à intégrer les enjeux sociaux, environnementaux et sociétaux dans le fonctionnement de l’entreprise, ainsi que dans ses produits et services.
C’est dans les années 1960 qu’apparaissent les premières préoccupations RSE, lorsque des associations commencent à demander la prise en compte des impacts environnementaux et sociaux dans l’activité des entreprises. En France, la notion de RSE apparaît juridiquement en 2001 avec la loi Nouvelles Régulations Economiques (NRE) et l’obligation de reporting pour les sociétés cotées en Bourse.
Depuis, la prise en compte des enjeux RSE par les entreprises ne cesse de s’accélérer, portée par une prise de conscience de l’ensemble de la société, et donc de leurs différentes parties prenantes : consommateurs, actionnaires et salariés.
Ainsi, en 2020 trois consommateurs français sur quatre déclaraient privilégier les entreprises présentant des comportements responsables (étude argus–Capgemini, Invest, 2020).
75 % des entreprises avaient alors formalisé une feuille de route RSE pluriannuelle, même si seulement 44 % d’entre elles présentaient au moins un indicateur sur l’impact environnemental de leur activité (étude MEDEF, Deloitte, EY 2020 sur les rapports RSE des entreprises).
Quel est le cadre légal de la RSE ?
Lorsque l’on aborde la Responsabilité Sociétale des Entreprises, la première dimension qui apparaît relève de dispositifs réglementaires mis en place au niveau européen (NFRD, CSRD, SFDR…) ou au niveau national (loi PACTE, Grenelle…).
NFRD et CSRD : la base du règlementaire sur la RSE en Europe
La directive Non-Financial Reporting Directive (NFRD) définit les objectifs de la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) pour toutes les sociétés européennes de plus de 500 salariés.
A partir du 1er janvier 2024, cette directive sera progressivement remplacée par la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) qui repose sur 2 ambitions principales :
- L’élargissement du nombre d’acteurs économiques soumis aux obligations de reporting et de communication : près de 50 000 entreprises, contre environ 12 000 pour la NFRD, et ce de manière progressive jusqu’au 1er janvier 2027
- L’élargissement du spectre des 3 critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) avec notamment l’eau et les ressources marines, la protection de la biodiversité, des écosystèmes, la transition vers une économie circulaire, et enfin la prévention et le contrôle de la pollution (voir infographie ci-dessous).
Le périmètre du reporting extra-financier prévu par la nouvelle directive CSRD :
Les nouveautés du cadre légal RSE apportées par la CSRD
Les rapports de durabilité répondant à la CSRD devront démontrer comment l’entreprise adresse ces 3 piliers ESG à travers 4 dimensions :
- la gouvernance ;
- la stratégie et le modèle d’affaires ;
- la chaîne de valeur ;
- la performance (KPI) et les objectifs liés aux plans d’action et ressources mis en œuvre.
Autre exigence nouvelle, la CSRD place le reporting de durabilité sous la responsabilité de la gouvernance de l’entreprise, au même titre que l’information financière.
Enfin, l’une des évolutions majeures apportées par la nouvelle directive est l’obligation partout en Europe de faire vérifier les informations extra-financières par les Commissaires aux Comptes (ou un tiers indépendant).
Les autres dispositifs règlementaires de la RSE
Pour éviter le « green-washing » dans le domaine des placements financiers, l’Union Européenne a mis en œuvre des règlements qui favorisent la transparence et la comparaison des banques et des assurances quant à la dimension RSE de leurs produits financiers :
- Le règlement taxonomie définit une liste d’activités économiques compatibles avec les ambitions européennes environnementales ;
- La Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) définit des obligations de transparence pour les acteurs financiers.
A l’échelle nationale, d’autres dispositifs règlementaires encadrent la mise en œuvre des politiques RSE dans les entreprises :
- La loi Grenelle 2 (2010) a imposé la présentation d’un bilan social et environnemental à toutes les entreprises de plus de 500 salariés. Cette obligation a été renforcée en juillet 2022 par le décret « BEGES » qui étend la mesure des Gaz à Effet de Serre (GES) du bilan carbone à toutes les émissions directes et indirectes des sociétés. Cela concerne notamment les émissions associées à l’utilisation des produits vendus par l’entreprise, ou les déplacements domicile-travail des salariés.
- La loi sur le devoir de vigilance (2017) impose aux entreprises françaises de plus de 5000 salariés la publication d’un un plan de vigilance pour prévenir les risques en matière d’environnement, de droits humains mais aussi de corruption sur leurs propres activités mais aussi celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.
- L’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes (2018) oblige les entreprises à publier un indicateur basé principalement sur les écarts de rémunération et d’évolution professionnelle.
- La loi Pacte (mai 2019) modifie le code civil et le code de commerce par l’intégration des notions nouvelles de "raison d’être" et de "société à mission".
- La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (février 2020) se compose de 130 articles qui visent à sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et agir contre l’obsolescence programmée.
- La loi Climat et Résilience (août 2021) regroupe plus de 300 articles qui ancrent l’écologie dans les services publics, l’éducation, l’urbanisme, la mobilité, la consommation et la justice.
- La loi Rixain (2021) crée une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des grandes entreprises, accompagnée d’une obligation de transparence en la matière.
Les labels RSE, vitrine visible des actions de l’entreprise
Les réglementations autour de la RSE sont nombreuses et de plus en plus contraignantes. Mais aucune d’elles ne définit un référentiel commun permettant d’évaluer et comparer facilement la performance des entreprises sur les critères ESG.
De nombreux organismes et labels « commerciaux » se sont donc développés pour répondre au besoin croissant de valoriser la performance RSE.
Parmi eux, on retrouve des certifications généralistes (Lucie, B Corp, Ecovadis…), mais également des labels sectoriels (BIOED pour la cosmétique, ESS ADN pour l’économie social et solidaire, ASR pour l’assurance, etc) ou thématiques (EnVol pour les PME, Great Place to Work pour les ressources humaines, Numérique Responsable pour les technologies de l’information, etc).
A noter toutefois l’existence de quelques labels définis ou portés par les pouvoirs publics, tels qu’ISR (Investissement Socialement Responsable) dans la banque ou RFAR (Relations Fournisseurs et Achats Responsables) pour les achats.
Avec la multiplication des labels et la grande diversité des référentiels et critères d’évaluation, il devient facile pour toute entreprise de se prévaloir d’une certification RSE, même pour les moins vertueuses d’entre elles. In fine, sur la dimension environnementale, il semble que le Bilan Carbone devienne l’outil d’évaluation et de comparaison des entreprises le plus fiable et le plus répandu, surtout depuis l’application du décret BEGES.
La RSE comme prolongement naturel de la stratégie d'entreprise
De nombreuses entreprises perçoivent et adressent la RSE uniquement sur sa dimension réglementaire. Nous avons vu en effet que les contraintes légales sont nombreuses et complexes, que ce soit au niveau national comme européen.
D’autres sociétés s’engagent davantage et s’attachent à le faire savoir, conscientes des bénéfices que peut apporter un label ou une certification sur les critères ESG. Mais gare aux effets d’annonce ! Les périmètres et les niveaux d’exigence des labels sont très variables, et il n’existe pas d’indicateur fiable et unanimement reconnu en dehors du bilan carbone.
Comme souvent, c’est dans l’interaction directe avec l’entreprise que l’on peut le mieux percevoir son engagement RSE : en tant que clients, nous pouvons apprécier l’impact environnemental des produits et services vendus. En tant que collaborateurs, nous pouvons évaluer la politique sociale de l’entreprise. En tant que fournisseur, nous pouvons percevoir l’attention portée aux parties prenantes et le respect des bonnes pratiques commerciales.
La recherche de reconnaissance en termes de RSE ne doit pas être le moteur des engagements sociétaux. Il vaut mieux l’envisager comme le résultat naturel d’une ambition RSE intimement liée à la stratégie et la raison d’être de l’entreprise.